C’était il y a 45 jours. Ça nous est tombé dessus. On s’en doutait un peu, depuis un moment, l’œil de l’autre côté des Alpes. Oh ! Bien sûr, quelques mois plus tôt, une mauvaise fable avait mis en scène une chauve-souris et un pangolin et, on le sait depuis Ésope, les fables ont un message à nous transmettre. Mais enfin, c’était loin, à Wuhan, on ne savait même pas prononcer correctement ce nom, alors on ne s’est pas méfié. En mars, nos amis italiens, si proches de nous, si semblables, si latins, subissaient les premiers en Europe l’arrêt sur image de leurs vies soudain catapultées de l’autre côté du train bondé, du boulevard saturé, du bureau débordé, du magasin, du café, du restaurant, du salon de coiffure, du terrain de sport, de la salle de théâtre, de cinéma ou de classe, de l’église, du temple, de la mosquée, de la plage, de la forêt, du parc, du jardin, du banc public, du balcon, de la fenêtre… avant d’être rejoints par un tiers de l’humanité.
Aujourd’hui, nous n’allons sans doute ni fêter le (télé)travail ni offrir des brins de porte-bonheur, mais, dans une vision optimiste de ce qu’on appelle déjà « le monde d’après », nous pouvons espérer l’aube d’une nouvelle donne. Si de nombreux écrivains avaient anticipé le monde d’aujourd’hui, celui qui nous attend au réveil de cette torpeur où la planète vacille entre sidération et incertitude reste à imaginer. Cela explique en partie les milliers de vidéos - danse, musique, expositions, parodies, détournements en tous genres - qui ont explosé comme des fleurs de cerisier au printemps sur ces précieux réseaux sociaux dont on dit souvent pis que pendre mais qui, en ces temps confinés, sauvent nos journées et même nos nuits. Lettres, blogs, journaux intimes, ont également envahi les murs virtuels qui, contrairement à ceux qui nous entourent, ont l’avantage de pouvoir être sans cesse repoussés.
La nouvelle étant un format idéal pour cette créativité 2.0, vous vous serez peut-être emparés de l’occasion pour en imaginer ou pour reprendre cette vieille histoire perdue dans les limbes de l’ordinateur et à laquelle vous avez redonné vie. Nous sommes curieux de découvrir la concrétisation de vos envies d’écrire.
En attendant de partager les suites de cette étrange expérience, nous vous proposons une transition idéale pour les deux mois à venir. D’abord, l’humour grinçant de Denis Escobar avec Gilet noir qui nous renvoie au temps des manifestations de 2019, ensuite, la fantaisie débridée de Béatrice Vergnaud qui propose une métamorphose sociale surprenante dans Un éléphant dans le tram.
Enfin, nous avons souhaité donner un coup de pouce à la sympathique initiative des Petits Chalonvillais littérairesart1056]. En effet, s’il sollicite des plumes « adultes », ce concours a pour but de faire voyager les enfants en lecture et de leur permettre de se dégourdir l’esprit avant de pouvoir à nouveau se dégourdir les jambes. Vous en trouverez tous les détails dans notre rubrique Concours de nouvelles.
Qu’en ce printemps inédit et bouleversant nos imaginaires soient féconds, c’est le meilleur vœu que nous puissions formuler avant de renouer avec des étreintes fraternelles.
Stupeur et confinement Édito de Mai 2020
(actualisé le )