Le monde, le vrai, celui qui imite l’Art (ou est-ce l’inverse ?), ne cesse de nous surprendre par ses retournements, ses digressions et, parfois, ses innovations. Le tombeau maritime des migrants en quête de refuge y rejoint celui d’explorateurs des grands fonds en quête d’absolu, un conflit presque à nos portes confine à l’absurde par ses péripéties et ses coups bas fratricides (certes il l’a toujours été, fratricide) ; de même, bien plus près, les rues de Marseille résonnent d’incessantes rafales nocturnes, ou même pas… Quant à nous, lecteurs, auteurs ou sympathisants des deux, de l’autre côté du miroir d’un monde réel qui bruisse et s’affole, voilà qu’un bidule se définissant Intelligent tout autant qu’Artificiel (ce qui nous fait une belle jambe…) prétend produire du contenu et – trahison ! – créer à notre place, voire à notre insu. Et faire bien mieux que nous par son omniscience du monde, tel un hyper Wikipédia libéré de ses chaînes, nous imposant ses propres réflexions et « créations » plutôt que de se borner à rester à sa place et nous informer sur demande. ChatGPT est son nom, et ce qu’il promet nous laisse au bas mot perplexes, au pire, épouvantés par le monde de demain (voire demain matin ?) que cela annonce. Car vont souffrir et peut-être bientôt disparaître les traducteurs, qui sait, et bien d’autres avec eux, professeurs, rédacteurs – auteurs ? –, dont les compétences se voient déjà rabaissées, rejetées ou niées au profit de machines invisibles pondant et produisant plus vite et plus fort, sans fatigue ni sueur, et – règle incontournable entre toutes – pour moins cher.
Face à cela, Nouvelle Donne vous proposera encore et toujours des fictions garanties 100% humaines et sélectionnées par nos soins, 100% humains eux aussi (à noter qu’un concours de nouvelles a testé récemment l’autre formule, à titre expérimental, générant force débats). Cet été, « Deux femmes à la fenêtre », de Marie Pontacq, nous offre dans une langue magnifique un retour dramatique vers le passé et deux héroïnes négligées, oubliées par l’Histoire. Il sera suivi en août de « Se la couler douce à Miami », de Philippe Roux, dont le titre annonce à lui seul une ambiance et un univers bien différents, plus proches du nôtre, mais avec à nouveau des couleurs assez « exotiques », disons transatlantiques. Sans oublier la chronique du recueil « Un si lointain passé », de Thierry Schwab, intrigant tant par sa forme complexe imbriquée en « poupées russes » que par son contenu. Par ailleurs, comme tout en ce monde, Nouvelle Donne évolue aussi, à sa façon ; des membres nous disent au revoir sans l’avoir voulu ainsi, quand d’autres ont rejoint nos rangs et y font leurs premières armes afin de perpétuer le mouvement et de porter une littérature toujours guidée par l’émotion et le talent, sans machines au pouvoir. Chacun à sa place.
Le monde, le vrai, celui qui imite l’Art Édito de juillet 2023