Une fois n’est pas coutume, nous consacrerons cette chronique non à un auteur mais à un éditeur, spécialisé dans la nouvelle, et la bonne ! Avec la collection « Sentinelles », il nous offre un tir groupé, réunissant (excusez du peu !) Georges-Olivier Châteaureynaud (prix Goncourt de la nouvelle en 2005 pour Singe savant tabassé par deux clowns), Franck Pavloff (qu’on ne présente plus depuis le succès planétaire de Matin brun) et Olympia Alberti, moins connue peut-être du grand public et pourtant auteur prolifique de romans, de nouvelles, d’essais et de poésie, un palmarès impressionnant.
Précisons que les 3 auteurs sont proposés séparément et non en recueil collectif. Il s’agit de longues nouvelles (44 pages pour Les Amants sous verre de Châteaureynaud, 28 pour La nuit des friches de Pavloff, 63 pour Les enfants reviendront après l’Épiphanie d’Olympia Alberti), présentées sous forme de petits fascicules vendus entre 5 et 8 € l’unité, sous une couverture blanche joliment illustrée par Vlou. L’unité de la collection est assurée et on n’a qu’une envie, c’est que ça continue.
Le plus étonnant chez Châteaureynaud (à qui nous avions eu le plaisir de consacrer un numéro, Les Raisons de l’imaginaire en avril 2000) [1], c’est sa capacité à se renouveler tout en gardant sa ligne directrice : l’irruption subreptice du fantastique dans un scénario jusque-là on ne peut plus réaliste. Les Amants sous verre ne fait pas exception et on a beau s’y attendre, on se laisse à chaque fois piéger, comme Golo et Stella, deux antiquaires minables qui croient avoir décroché le gros lot en grugeant une vieille dame et se retrouvent victimes d’un genre de sortilège peu courant qui les laisse… sans voix. Du grand art !
Avec La nuit des friches, Frank Pavloff confirme s’il en était besoin son très grand talent. Difficile pour lui d’égaler le tirage de Matin Brun (près de 2 millions d’exemplaire vendus rien qu’en France),
mais ce beau texte ne démérite en rien, même s’il est moins universel. C’est une histoire de paumés, de squatteurs qui vivent dans ou aux abords d’une friche industrielle abandonnée et, ma foi, s’en contentent plus ou moins, jusqu’à ce qu’un « fantôme » venu du passé ravive les souvenirs et attise de nouveau les amours et les haines. L’écriture est remarquable, avec une grande économie de moyens qui fait mouche à tous les coups, et le final est grandiose.
Olympia Alberti, enfin, nous offre un texte situé dans un passé plutôt lointain (XVIIIe siècle), une chronique douce-amère de la vie à la campagne en ce temps-là, où une jeune femme rassemble les enfants considérés comme tout juste bons à aider aux travaux des champs et laissés à l’abandon aussi bien intellectuellement qu’affectivement. Elle veut leur apprendre à tricoter (eh oui !) et surtout leur raconter des histoires et leur enseigner à les lire eux-mêmes. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce que l’amitié exceptionnelle qui lie deux d’entre eux les incite à fuguer et à demeurer introuvables. Mais tout finira bien puisque « Les enfants reviendront après l’Épiphanie ». Un joli texte, auquel on ne reprochera que la surabondance de notes de bas de page destinées à traduire les mots vieillis ou dialectaux : c’est utile, sans doute, mais cela « casse » la lecture et c’est dommage.
D’autres auteurs, bien sûr, sont à découvrir ou à retrouver aux éditions du Verger. N’y manquez pas !
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(actualisé le )