Tom Barbash – Les lumières de Central Park (2015, Albin Michel / Terres d’Amérique) Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Hélène Fournier

par JMC

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Tom Barbash nous présente diverses facettes d’une Amérique contemporaine et éternelle à la fois, via une galerie de portraits sensibles et justes, jamais excessifs bien que souvent en léger décalage avec la norme sociale voire avec eux-mêmes, moins désespérés qu’égarés.
L’auteur a un don assez rare pour nous plonger dans des situations à la fois banales (celles d’un quotidien quelque peu détraqué) et complexes, couvrant un large éventail de scénarios allant de l’incident de parcours au mal-être ou à l’affrontement entre deux individus, mais jamais anecdotiques, car toujours représentatifs de l’état de la société. Barbash est de ces auteurs dont l’un des textes, lu isolément, sera simplement qualifié de « bon texte, très bien vu », mais dont le regroupement – ce que, comme chacun sait, l’on appelle un recueil – est supérieur à la somme de ses parties et devient le reflet ou l’image d’une époque, de ses maux et de ses bobos intimes.
« Le fils de quelqu’un » conte la rédemption malgré lui d’un petit truand en magouilles immobilières juteuses, percé à jour et adopté à la fois par le vieux couple qu’il escroque et qu’il vole impunément avec leur consentement muet. « Ses mots », à l’opposé, met en scène les difficiles relations triangulaires (père/fils et père/petite amie) d’un professeur d’université d’origine indienne à la morale rigide. Dans « Janvier », ce sont à nouveau des relations triangulaires délicates entre un enfant et l’ami de sa mère jouant le rôle ambigu d’un futur beau-père. « L’anniversaire » est la troublante exorcisation d’une erreur de conduite aux conséquences dramatiques, alors que « La rupture », « La soirée des ballons géants » « Spectateur » et « Les lumières de Central Park » sont plus proches de l’univers bourgeois décadent voire souvent perverti d’un Bret Easton Ellis (sexe et argent), lui aussi témoin privilégié et conteur virtuose d’une haute société en voie de déliquescence.
À chaque fois, tout cela sonne juste, avec le léger bémol – habituel chez les auteurs outre atlantique – de commettre des textes sans chute véritable ou alors, brutales et inattendues (au sens de : au mauvais moment pour les attentes du lecteur français). Un procédé quelque peu frustrant, faute de révélation à la clé, alors que l’on aurait bien prolongé encore un peu le voyage avec le(s) personnage(s). Peut-être, au final, la vie elle-même est-elle ainsi : tout ce qui nous plaît s’écoule toujours trop vite et finit trop tôt ?