Le sol semblait stable, puis il devint meuble et il finit par se dérober sous nos pieds : c’est ce que l’on peut ressentir à la fin de chacune des nouvelles de ce recueil. Partant d’une situation banale, Châteaureynaud distille peu à peu des éléments de narration qui emporteront le lecteur dans un univers où l’humour le dispute au tragique.
Un tragi-comique bien représenté par la nouvelle éponyme qui relate une quête de liberté désespérée au milieu d’une troupe de cirque. On retrouve cette même tendance dans « Écorcheville » où des machines à fusiller automatiques sont installées en ville pour les candidats au suicide. Dans « Courir sous l’orage », on croise le portrait d’une actrice dont la carrière s’est arrêtée lorsqu’elle fut frappée par la foudre. Elle n’a alors qu’un seul projet en tête, que la foudre la prenne pour de bon, non pas pour mourir, mais pour revivre l’intensité de cette fraction de seconde qui vaut tous les plaisirs de la vie. « Les Ormeaux » est une courte fresque sociale dans laquelle le mollusque en question fait l’objet d’une véritable quête du Graal ; le surréalisme vient se mêler subtilement à cette histoire à travers l’apparition fantomatique d’une petite fille dans une maison ensevelie sous la mer. On retrouve également un univers parallèle au milieu de la banalité du quotidien dans « La rue douce » : un lieu énigmatique dépeint comme une allégorie d’un paradis perdu.
C’est une écriture en costard que nous propose Châteaureynaud, un style classieux et fluide qui donne de la chair aux personnages et aux descriptions. Cependant, pour ces nouvelles d’une longueur de 20 à 30 pages en moyenne, les personnages peuvent parfois apparaitre en trop grand nombre pour le format. La chute des récits m’a également semblé un peu frustrante parfois : on ne peut exiger de chaque nouvelle qu’elle se termine dans une situation renversante qui scotche le lecteur à son canapé – bien au contraire, la sobriété est parfois une bien meilleure arme pour laisser la voie à une libre interprétation – cela dit, il me semble qu’avec un tel univers, on pouvait s’attendre à quelques dénouements plus rocambolesques. Cet ouvrage ravira les lecteurs en recherche d’un fantastique loufoque dans lequel chaque univers proposé laisse transparaitre un message subtil sur les comportements humains.
SINGE SAVANT TABASSÉ PAR DEUX CLOWNS (éditions Zulma) de Georges-Olivier Châteaureynaud