Quelques lignes seulement sur le dernier Goncourt de la nouvelle, non qu’il ne vaille pas la peine d’une chronique mais simplement parce que notre rôle, tel que nous le concevons, n’est pas de voler au-devant du succès mais de promouvoir ceux qui le méritent et n’arrivent pas à y accéder. Or le succès de « Retourner à la mer » est assuré d’avance de par son éditeur (Gallimard), son auteur (Raphaël Haroche, fort de la notoriété acquise sous son seul prénom en tant que chanteur), et donc la prestigieuse récompense du Goncourt.
Pourquoi en parler donc ? Disons, a contrario : pourquoi ne pas en parler, dès l’instant où ce recueil en vaut la peine, et c’est largement le cas, à condition d’aimer le noir de chez noir. Quand on demandait à Jean-Noël Blanc pourquoi il écrivait si « noir », il répondait : « Un : je pense que la vie, c’est ça. Ce n’est pas très drôle, la vie. C’est même épouvantable … Deux : la nouvelle noircit toujours les choses ; c’est du concentré de vie, donc du concentré de noir ». Tout est dit. Mais là où Jean-Noël Blanc pimentait tout cela d’une pincée d’humour (noir bien entendu), Raphaël Haroche se contente d’appuyer là où ça fait mal et, forcément, ça fait très mal. Chaque nouvelle est une chronique du malheur, du désenchantement, du mal-être, j’en passe et des meilleures (ou des pires, c’est selon)… Si l’on aime ça, c’est un chef-d’œuvre. Si l’on ne supporte pas que l’horizon soit à jamais fermé, sans autre espoir que de « retourner à la mer » qui nous a vus naître, mieux vaut s’abstenir.
Raphaël Haroche : Retourner à la mer Gallimard - Goncourt de la nouvelle 2017