Le thème doit être à la mode, car récemment, le livre d’Anna Hope Le chagrin des vivants nous intéressait aux oubliées de l’après-guerre, les femmes privées de leurs maris, frères, fils, fiancés… tués au combat. Et voici que Pierre Bisbal, marchant sur les brisées de Pierre Lemaître et de quelques autres, prend le relais, cette fois pour mettre en vedette les soldats eux-mêmes, les survivants de l’horreur dont la réintégration dans la société se fait le plus souvent dans la douleur… quand elle se fait. Il a choisi pour cela le genre de la nouvelle, dont la définition extensible se prête bien au sujet. « Des fictions rivalisant avec la fantasque réalité », nous dit la 4e de couverture. Des fictions, vraiment ? Nous pencherions plutôt pour des « tranches de vie » mises en scène pour l’occasion, en tout cas regroupées autour d’un même thème : quand cessent les combats, que deviennent les soldats survivants ?
Nous passerons sur le fait que le livre est divisé en deux : l’après-guerre 14-18 et l’après-guerre 39-45. La date n’a pas vraiment d’importance, les après-guerres se ressemblent, surtout aussi proches dans le temps et avec le même ennemi.
Ҫa débute par une histoire presque gaie : il arrive que les soldats démobilisés épousent leur « marraine de guerre », quitte à faire le désespoir de leurs parents qui leur avaient prévu un parti beaucoup plus avantageux. Mais il arrive aussi que rentrés apparemment sains et saufs et le cœur léger, ils soient rattrapés par le souvenir des horreurs qu’ils ont vécues et sombrent peu à peu dans la folie. Pire, il n’est pas rare que leur relatif bon état soit mis sur le compte non de la chance mais de leur lâcheté et d’une possible fuite honteuse devant l’ennemi. Et comment survit la « gueule cassée » qui ne supporte pas qu’on le regarde et s’enferme dans sa chambre jusqu’au jour où… ? Et ce jeune homme qui ne sait plus marcher sans s’emmêler les pinceaux mais retrouve ses jambes d’avant quand l’orchestre joue une valse ? etc. etc. On le voit, Pierre Bisbal ne manque ni d’imagination ni de sensibilité ni de sens de l’humour pour broder à l’infini sur le thème qu’il a choisi. Une seule thématique et douze nouvelles sans s’essouffler, c’est un bel exploit, surtout pour un premier livre. Il faut ajouter que l’auteur, comme nous en informe la 4e de couverture, fait partie d’une association de militaires et anciens militaires très attachés au devoir de mémoire et que la totalité des droits d’auteur sera versée à cette association. De quoi déclencher peut-être l’impulsion d’achat en ces temps si moroses pour les libraires…
Quand cessent les combats – Pierre Bisbal dit Gourdan, L’Harmattan 2020