Six nouvelles composent ce recueil, cela peut paraître peu, mais elles sont longues et denses et le tout fait un joli petit livre, agréable à feuilleter et à manier. Les textes sont réunis par un « fil rouge » commun : « la quête de l’éternel féminin, mystérieux et insaisissable », comme nous le dit la 4e de couverture. En effet, ce sont bien les femmes qui mènent la danse, faisant valser souvent malgré eux les hommes, les manipulant peut-être, les aimant sans doute mais ne faisant que trois petits tours avant de s’en aller, telles les Passantes chantées par Brassens.
Le recueil s’ouvre avec Photo de classe. Pierre, le narrateur, photographe, fait une étape dans sa région natale, où il se contente généralement d’apparitions éclair entre deux shootings. Il apprend le décès de son ex-professeure d’anglais, avec qui il a joué passionnément un remake du Blé en herbe trente ans plus tôt, qui a disparu brusquement et n’a plus jamais donné signe de vie avant de revenir mourir au bercail. L’enterrement est dans trois jours. Le temps pour Pierre de faire un grand voyage en nostalgie dont on se demande sur quoi il va déboucher… Ah ! C’est tout l’art de la chute. Celle-ci, absolument parfaite, cueillera le lecteur par surprise.
Si j’ai insisté un peu longuement sur cette première nouvelle, c’est pour souligner à quel point Pierre Montbrand maîtrise l’art et les codes du genre, savoir-faire qui n’est pas donné à tout le monde. On peut penser que, surtout dans les deux premiers textes, il attache beaucoup d’importance aux descriptions, ce qui est peu courant chez les nouvellistes, mais rien n’est laissé au hasard, on le constate de nouveau dans Droits de succession qui se passe dans un univers très différent (que le titre suffit à identifier) mais étonne aussi par la précision de sa construction, puis par sa chute presque « clin d’œil ».
Les quatre nouvelles qui suivent sont beaucoup plus brèves et moins descriptives. Décidément, cet auteur a plus d’une corde à son arc. Clair de lune nous fait goûter une « tranche de vie » en famille, bien croustillante mais à la dégustation si rapide et étonnante que le narrateur ne peut que « se demander encore parfois s’il n’a pas rêvé » (Ah ! les passantes…). Et voici qu’arrivent la nouvelle éponyme Face à la mer, que je vous laisse découvrir, ainsi que Mon été 52, toutes deux justifiant à la fois le titre du livre et l’illustration de couverture. Elles se passent, en effet, dans un univers maritime et, dans le cas de Mon été 52, cinématographique, qui doit beaucoup à Ingmar Bergman, une des grandes admirations de l’auteur, et au couple mythique qu’il a formé un temps avec Harriet Andersson. Reste On dirait le Sud, sur lequel on pense que va planer forcément l’ombre de Nino Ferrer, mais finalement non, c’est presque une pochade et la chute (une fois n’est pas coutume) est hilarante.
Bonne lecture !
Pierre Montbrand, Face à la mer, Éditions Quadrature, 2020