Deux bonnes nouvelles, sans jeu de mots : L’Harmattan a ouvert depuis 2016 une collection consacrée à la nouvelle (avis aux amateurs, aussi bien auteurs que lecteurs) et Marie-Hélène Moreau, lauréate de notre concours Demain peut-être, fait partie des heureux élus qui l’inaugurent. De là à dire que Nouvelle Donne avait eu « le nez creux » en la distinguant… En tout cas, Reste avec moi, premier recueil de cet auteur, confirme la bonne impression que nous avait laissée Au revoir mon amour, la nouvelle que nous avons primée. Il y a là une vraie plume, une belle écriture et un univers parfois onirique parfois réaliste mais toujours centré sur un même thème : l’interaction des morts et des vivants, les premiers frôlant la vie des seconds, s’y mêlant parfois (à moins que ce ne soit qu’un rêve) pour une ultime vengeance ou au contraire (plus rarement) un dernier coup de pouce.
La nouvelle éponyme donne le ton puisqu’on pourrait la résumer en empruntant à Troyat le titre d’un de ses livres : Le mort saisit le vif. Étonnante histoire de vengeance post mortem, fruit d’une infinie patience… Mais dans Fragments, c’est le contraire, la morte n’obtiendra jamais justice, à jamais reniée, sacrifiée, oubliée. Parfois ce n’est qu’un petit bruit qui déclenche le processus fatal, parfois un vague souvenir, une réminiscence qui peine à refaire surface dans un esprit embrumé, et parfois aussi, heureusement, c’est une main bienveillante que les morts tendent aux vivants (Prière de ne pas déranger). Le recueil se clôt sur Rouge sang, qui a pour cadre un champ de bataille, un véritable charnier qui n’est pas sans évoquer l’admirable Au revoir là-haut de Pierre Lemaître, où c’est au sens propre que les morts sont mêlés aux vivants jusqu’à ce que ces derniers ne sachent plus eux-mêmes de quel côté ils sont.
N’hésitez pas à suivre Marie-Hélène Moreau sur ces chemins tortueux : son premier essai est largement transformé.
Marie-Hélène Moreau – Reste avec moi Éditions L’Harmattan 2017 – collection Nouvelles Nouvelles – 84 pages – 12 €