Six nouvelles qui annoncent la couleur du sang, mais sans basculer dans l’horreur gratuite et qui, surtout, ne manquent pas d’humour ! Les personnages de Mickaël Auffray allient la truculence de Rabelais à la bonhomie et parfois, à une cruauté assumée. On pense à des Gargantua et à des Pantagruel modernes.
Rien que leurs noms évocateurs, Ripaille, Héron, Pavane et Limaille, donnent le ton d’une Ripaille sylvestre qui n’est pas dénuée de saveur(s). L’auteur nous trousse là une aventure bucolique tragi‑comique qui tourne mal, tant la passion du saucisson et du pâté finit par l’emporter, non sans faire au passage les délices du lecteur au détour de dialogues truculents, croquants à souhait, et de surenchères de bonne chère entre bons vivants. Il nous ravit par son sens de l’ironie et de la caractérisation. Quelques extraits s’imposent afin d’en tirer le suc : « Limaille s’arrangeait toujours pour que ses phrases aient un double sens, que ses sarcasmes puissent passer pour des compliments. » Un autre lascar, à « l’estomac à mémoire de forme », n’a pas la langue dans sa poche : « Le présent c’est ce que je vous dis, là ! En ce moment !… Et ce que je viens de vous dire est désormais dans le passé. Alors vous me direz : y’a qu’à le redire, comme ça on revit le présent, mais ça ne fonctionne pas comme ça. On pourrait se rassurer en se disant que le présent c’est le futur du passé mais on voit bien là une perfidie temporelle qui cherche à duper. » Succulent, non ?
Au fil des nouvelles, nous faisons connaissance avec un batteur devenu fou (dans la bien nommée Solo !), lequel entame avec fracas un concert sanglant et nous n’en menons pas large, surtout que le public s’éclaircit et qu’à la fin, il ne reste plus que nous… Un autre individu dépèce sa victime au rythme de la bossa nova (Makina), un phobique du dentiste se transforme en tortionnaire, et Un village de gentils suscite le sadisme ordinaire de ses visiteurs.
Sans concessions, affûté, joliment efficace, le style de Mickaël Auffray sert à merveille ces joutes imaginaires et vient nous titiller les zygomatiques. Ne ratez pas ce recueil de petits bijoux !
Makina et autres boucheries, de Mickaël Auffray, Babelio, 175 pages