Le traducteur cleptomane, Dezsö Kosztolányi, traduit du hongrois par Ádám Péter et Maurice Regnaut, éditions Viviane Hamy, 1994, 154 pages.

par Nathalie Barrié

Je ne vais pas vous raconter d’histoires.
Oui, je l’avoue, Le traducteur cleptomane est resté au fond de mon sac à mon retour du Sud‑Ouest ; et non, je vous assure, je n’ai pas fait exprès de le dérober, mais il semble que les fées qui se sont penchées sur son berceau, facétieuses si l’on en juge par un titre non démenti par la suite, le prédestinaient à un tel sort !
C’était à l’issue d’une semaine de vacances dans une maison landaise qui appartenait à mon oncle regretté (Loutz pour les intimes), lequel a eu le bon goût de me laisser savourer cet ouvrage à titre posthume, lui qui, justement, n’était avare ni en conseils de lecture, ni en poèmes… Et je l’en remercie une dernière fois, car ce recueil de nouvelles de l’auteur hongrois Kosztolányi est une très heureuse surprise, un petit bijou dont le titre alléchant ne laisse pas le lecteur sur sa faim, ce qui n’est déjà pas si courant.
Il s’agit d’une dizaine de nouvelles, dont la première, qui donne son titre à l’ouvrage, tient sa promesse, mais chut ! N’en disons pas plus sur celle‑ci, nous l’avons promis juré, sous le sceau du secret, au fameux confrère « traducteur »... Suivent d’autres petits bijoux, notamment Le président, dont le personnage éponyme, atteint de narcolepsie, préside sagement les séances de réunion en plongeant dans un profond sommeil, et Le manuscrit, qui raconte les déboires d’un éditeur fuyant les assiduités d’une aspirante écrivaine dont il ne parvient pas à lire le roman. De guerre lasse, certes, et pourtant armé de la foi des braves comme on part au combat, il finit par faire semblant de l’avoir lu… La suite est inénarrable ! Le malheureux est contraint de naviguer à vue entre les écueils, essayant de se faire raconter ce qu’il est censé savoir par l’impitoyable romancière, qui ne lui laisse aucune issue de secours. Mais qu’est‑il venu faire dans cette galère ? Faute de le savoir, il se voit précipité de Charybde en Scylla, avec pour toute défense des pirouettes pour enjamber les maelströms…
Alors que l’auteur nous a tiré sa révérence il y a quatre‑vingt deux ans, l’esprit caustique, voire anarchiste, et l’humour décapant de Dezsö Kosztolányi planent sur cette œuvre désopilante qui n’a pas pris une ride ! Elle est aujourd’hui rééditée dans son excellente traduction originale.
Saluons au passage cette heureuse initiative des éditions Viviane Hamy.