Peut-être vous rappelez-vous ce texte intrigant que nous avions publié en avril 2021 Le cabinet des hippocampes ? Son auteure Soledad Lida vient de commettre, aux éditions Maïa, un petit recueil intitulé La fille de soie.
Autant le dire d’emblée, les textes de Soledad Lida échappent à toute tentative de classification. Ni tout à fait des nouvelles ni tout à fait des contes, mais probablement un peu les deux. Ces dix-neuf récits (terme plus neutre), parfois très brefs (une page) se distinguent par un style enlevé aux accents baroques. Soledad Lida aime jouer avec les imparfaits du subjonctif, les tournures aux élégances d’un autre siècle, les mots rares et précieux. Aucun effet de mode dans son écriture, plutôt la recherche d’une langue intemporelle. Lire Soledad Lida c’est entrer de plain-pied dans un univers singulier, nourri de légendes, de fables et de mythes. C’est découvrir toute une galerie de personnages plus archétypaux que réels : sorcière laissant derrière elle une odeur de sous-bois, tyran imposant l’omniprésence de son image, funambule sur un fil de soie, automate féru de poésie, professeur dont l’éloquence fleurissait avec son embonpoint…
Le recueil s’ouvre sur la nouvelle éponyme et, sitôt, le ton est donné : une naissance énigmatique, la prédiction d’une vieille guérisseuse, un destin qui se dévide comme un fil – peut-être bien celui qui relie ou tisse les autres histoires du recueil – et se conclut par une image suspendue et poétique. De fil, il en est aussi question dans Capriccio et fugue où, sur un promontoire, une étrange dame joue d’une harpe à laquelle on ne comptera qu’une seule corde. Et c’est l’aubergiste du village qui se fera conteur pour vous révéler le sort de cette mystérieuse musicienne. Mais, je ne dévoilerai pas les nombreuses intrigues qui émaillent le livre. Faites confiance à Soledad Lida pour vous entraîner dans ses mondes faisant la part belle au fantastique, à la métaphore et aux bizarreries. Elle vous enchantera par sa poésie dans La vieille femme et la mer, vous émouvra par sa délicatesse dans Finistère, vous surprendra par sa causticité dans Une Méchante femme, ou son humour dans Dignités et possessions (il n’est pas si fréquent qu’une nouvelle nous fasse éclater de rire).
Soledad Lida a le don d’éveiller l’enfant qui sommeille en nous, elle nous raconte des histoires incroyables et nous prenons un malin plaisir à les croire.
Certains des textes réunis dans La fille de soie ont déjà été publiés en revues (l’Ampoule, Harfang, Rue Saint-Ambroise), l’écriture lyrique et l’imagination foisonnante de Soledad Lida ne pouvaient que retenir l’attention de ces comités de lecture.
La fille de soie de Soledad Lida Éditions Maïa- juin 2024 80 pages, 17€