RESEAU DE LA NOUVELLE et des formes courtes

Gardien du temple, novella, Hervé Mestron, éditions Antidata, 7 €, 64 pages.

par Nathalie Barrié

Nous retrouvons Mat, alias Ziz pour ses proches, dans Gardien du temple, la suite attendue de l’excellent Cendres de Marbella. En sortant de cabane, il a beaucoup de mal à reprendre ses marques dans sa banlieue. Si certaines raisons de ce mal‑être d’ex‑taulard sont aussi classiques que compréhensibles, d’autres sont, en revanche, inattendues : la loi ayant changé avec l’élection de la droite au pouvoir, la came est (étrangement) légalisée, mettant au chômage les caïds du deal organisé et leurs petites mains : « Les gens viennent acheter de la beuh avec un poireau sous le bras et les mômes dans la poussette. Et vu qu’ils paient en carte bleue, ils rajoutent facile un tube de dentifrice ou du Doliprane. » Si l’espoir, dit-on, fait vivre, celui d’un hypothétique retour à la prohibition ne permet pas aux dealers en détresse de survivre, lesquels ont du mal à digérer leur reculade dans le statut social interlope. Seule solution pour notre antihéros qui sort de prison : faire profil bas et accepter un poste de veilleur de nuit pour le mystérieux Grand cercle de France, propre sur lui en apparence, mais qu’en est-il vraiment ?
C’est sans compter avec le passé qui rattrapera Ziz, en la personne de son pote Dick, lequel entretient avec sa sœur Marilou des rapports pour le moins étonnants, pour ne pas dire plus. Et voici notre antihéros, qui pour une fois comptait adopter un mode de vie peu ambitieux mais paisible, à nouveau en fuite. Dommage, juste au moment où il risquait de se transformer en véritable héros à la faveur d’un incendie des locaux du Grand cercle. Moralité : « Je me demande comment on a fait Dick et moi pour cumuler autant d’échecs dans la même vie. Peut‑être qu’on est doués, tout simplement. »
Également doués, ajoutera-t-on, malgré les gaffes et les faux pas — ou à cause d’eux — pour attirer la sympathie. C’est là le pari, une fois de plus, que relève Hervé Mestron avec brio, transformant l’essai prometteur des Cendres de Marbella.