C’est d’abord le nom de Frédérique Martin qui m’a interpellée, je suis à peu près certaine que nous avons publié cet auteur du temps de Nouvelle Donne papier. J’ai reculé devant une recherche dans nos archives, mais peu importe : c’est surtout le titre qui m’a décidée à acquérir ce recueil, je le trouvais hilarant et j’ai eu très envie de savoir ce qu’il recouvrait.
J’en ai été pour mes frais car, en fait, la nouvelle qui débute le recueil et qui pourrait être éponyme s’intitule "Le désespoir des roses" et déjà l’on se dit que rares sont les désespoirs rigolos. On y apprend, entre autres, que "Pour quitter l’enfance, vendre sa mère est indispensable". Sans doute. Reste, la transaction accomplie, à s’accommoder de l’absence et à ne pas se précipiter à la porte chaque fois qu’un pas fait crisser le gravier, laissant espérer un possible retour...
C’est "le monde selon Frédérique", qui vaut bien celui selon Garp, en moins idéaliste et en plus cynique. Un monde où, disons-le tout de suite, que ce soit de nos jours ou dans un futur plus ou moins proche, il ne fait pas très bon vivre, même et surtout si l’on habite, par exemple, dans la mal nommée "Rue des Bons-Voisins". Quelques pintes de rire quand même, grinçant bien sûr, avec "Les Alliances" où la rivalité entre deux jeunes femmes soi-disant amies tourne au pugilat le jour du mariage de la seconde, ou "Le fruit de nos entrailles", évocation très piquante de ce que risque de devenir la procréation dans un avenir hélas trop certain. Dans le domaine de l’anticipation qui fait froid dans le dos, la palme revient sans doute à "Droit de visite", au thème audacieux : tous les proches des victimes d’un tueur en série ont droit à deux heures de face-à-face pour régler leurs comptes avec le tueur en question. Mention spéciale aussi à "La prophétie de la goutte d’eau", tristement d’actualité en cette période de sécheresse, bien que l’auteur l’ait située dans le futur.
Un bémol cependant : quelques textes parmi les derniers m’ont semblé s’enliser un peu dans un verbiage trop explicatif et légèrement moralisateur. Mais ce recueil tient la route, ô combien, et nous rassure, s’il était besoin, sur l’avenir de la nouvelle en France.
Frédérique Martin - J’envisage de te vendre (j’y pense de plus en plus) - Belfond 2018