Dans les boyaux de Xavier Lhomme Éditions l’Oiseau parleur, novembre 2022, 15€.

(actualisé le ) par Jean-Yves Robichon

Il n’est pas si fréquent qu’un recueil de nouvelles aborde un thème historique, ici : la Grande Guerre.
L’auteur a proposé ses premiers textes dans le cadre des nombreux concours organisés à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale. Textes qui furent souvent remarqués et distingués, à juste titre, car Xavier Lhomme maîtrise à la perfection l’art de raconter des histoires. Lisez la première phrase d’une de ses nouvelles et vous voilà sitôt embarqué, en plein champ de bataille, dans les tranchées quelque part dans la Meuse, aux commandes des premiers aéroplanes ou bien encore dans la salle de contrôle d’un sous-marin allemand. Inutile de résister, l’histoire vous tient jusqu’à sa chute, qu’il faut parfois entendre au sens littéral du mot.
Car rien n’est convenu dans ces « petites histoires ». L’humain s’y dévoile dans sa complexité, ses ambiguïtés. Dans Caillou, Eugène Ponthier qui, toute sa vie, fut traité d’imbécile et de gros lard, se révèle un franc-tireur redoutable avant de laver les humiliations qu’il a subies par un geste de défi tout à fait sidérant. Les amours échappent aux conventions, aux schémas bien établis pour se jouer des mauvais tours de la grande histoire, comme dans Lettres à Arthur, nouvelle épistolaire, écrite dans une langue délicieusement surannée, à lire attentivement et jusqu’au dernier mot. Ou bien dans La dame de la poste qui aborde le thème de l’homosexualité avec un humour malicieux : La douce Madame F. suppliait le ciel de recevoir un jour le courrier qui l’informerait du décès de son mari, volage et violent.
Les anonymes croisent des personnages historiques comme Raoul Villain (l’assassin de Jaurès), le célèbre motard Jan Olieslagers, l’aventurière Marie Marvingt ou Aragon. Rencontres fictives, probables ou réelles, peu importe, car Xavier Lhomme s’appuie sur une solide documentation pour les rendre plausibles. Son souci du détail nous projette dans une époque où la technique connaissait un essor sans pareil. Ainsi le lecteur apprend que l’aéroplane de Blériot était motorisé d’une merveilleuse mécanique : un Gnome à sept cylindres en étoiles de cinquante chevaux, précision qui, certes, donne du crédit au récit, mais séduit surtout par son étrange poétique.
Pour Xavier Lhomme, la guerre se raconte à hauteur d’hommes et de femmes dans ce qu’ils ont de plus singulier, de plus charnel comme le souligne le titre polysémique du recueil. Ces onze nouvelles résonnent avec nos histoires de famille, nos mémoires, celles qui peu à peu s’effacent et que l’auteur fait revivre avec un réalisme touchant. Elles font aussi écho, et ce n’est pas neutre, aux images de conflits toujours actuels.
Dans les boyaux a reçu de nombreux prix : Prix Renaissance de la nouvelle, Prix littéraire Saint-Exupéry et Prix Littér’halles de la ville de Decize, une très belle reconnaissance pour un premier recueil ! On attend le prochain avec impatience, il paraît que Charlélie Couture l’aurait déjà préfacé.