RESEAU DE LA NOUVELLE et des formes courtes

Ciels de traîne, de Françoise Lemaître – L’Harmattan 2021

(actualisé le ) par Brigitte Niquet

De Françoise Lemaître, on ne pouvait qu’attendre le meilleur puisque nous avons récemment (avril) publié d’elle Qui ne dit mot consent, un très bon texte dont nous vous recommandons la lecture sur notre site si vous ne l’avez déjà fait.

Ici, c’est un recueil complet, le 3e de l’auteur, et bien sûr, nous l’avons abordé avec sympathie, en espérant n’être pas déçus. Le résultat est au-delà de nos espérances. Dès L’habitude du pire, qui ouvre le recueil, le ton est donné. Mais ce n’est que le premier texte, 23 autres suivent et s’il est vrai qu’on ne peut s’empêcher d’avoir des préférences, aucun ne démérite et, à ce niveau, c’est un véritable exploit. Le seul écueil serait la monotonie et Françoise Lemaître l’évite habilement, bien que toutes les nouvelles ou presque soient d’une même noirceur. Quand par hasard une petite lumière clignote qui laisserait espérer que…, « l’embellie est fugace et l’horizon fermé », comme le dit la 4e de couverture. Alors, « noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir » ? Peut-être.
Prenons L’habitude du pire, par exemple. Nous sommes chez les migrants, ou du moins en périphérie d’un de leurs camps. Trois petites filles sont mortes violées et, à vrai dire, tout le monde s’en fout. La dernière en date attend dans son casier réfrigéré que quelqu’un veuille bien s’occuper d’elle. Ce sera le médecin légiste, en dehors de ses heures de travail, au risque de rompre définitivement avec sa femme et ses propres enfants. « Je vais m’occuper des morts, dit-il, puisque je ne sais que faire pour préserver les vivants. » 
Beaucoup d’autres textes sont à l’image de celui-ci, seuls varient les narrateurs : homme, femme, ado, mais toujours un personnage partie prenante de l’histoire et qui dit « je », un « narrateur interne » pour reprendre le jargon en usage. On n’a jamais trouvé mieux pour impliquer également le lecteur.
Ajoutons quand même, pour ceux que découragerait la noirceur absolue, que certains textes sont moins plombants que d’autres et laissent filtrer un rayon de soleil, comme Fille prodigue sur lequel Françoise Lemaître a eu la bonne idée de clore son recueil. Du coup, rétrospectivement, tout s’illumine. Si l’héroïne de ce texte, qui n’est pas des plus recommandables, a droit à la rédemption, pourquoi pas les autres ?