Ziz, seize ans et demi, orphelin et un grand frère en cabane, essaie de s’en tirer dans le milieu interlope d’une cité de la banlieue parisienne. Son rêve : « investir dans la légalité » et se dorer la pilule sur les plages de Marbella. Mais on ne s’extrait pas comme ça de son milieu quand on est le frère de K. Pour parvenir à ses fins, paradoxalement, il lui faut monter en grade dans la hiérarchie complexe des dealers : chouff, « sous-race des guetteurs », charbonneur au pied d’une cage d’escalier, puis chouff mobile, avant de dealer gros en direct avec pour couverture un boulot régul’ dans l’immobilier sous le nom de Mat de chezsoi.com, et les costards Armani et Hugo Boss qui vont avec (leurs poches sont pratiques pour mettre un petit gun et ne jamais sortir seul). Afin de jouer le jeu relativement proprement, Ziz alias Mat ne touche pas à la C. ni aux X., juste au teushi, ce qui lui donne l’impression d’être « le médecin aux méthodes douces, style ostéopathe/acupuncteur », même si fumer des « tarés du bulbe overdosants » ne lui fait pas froid aux yeux, histoire d’éviter les impayés et de gagner des galons en respectabilité. Sa caisse de fonction rose fuschia, de quoi lui « mettre la honte jusque dans le haut Atlas » ne signifie nullement qu’il est « devenu coiffeuse » mais lui permet d’être moins repérable auprès des keufs, lesquels « se mettent à siffler la Marseillaise » à son passage.
Ziz/Mat est donc contraint de mener une double vie et d’échanger « des phrases sans avenir » avec Elsa, « string de la haute », sa nouvelle conquête paumée et camée à mort. C’est à Marbella, cependant, où les caïds « laissent la clé sur le contact de leur Porsche Cayenne avec un string qui pendouille… sur le rétroviseur comme une chauve‑souris », qu’il mesure le chemin qu’il lui reste à parcourir et pèse à quel point il doit se méfier de tout, en particulier des meufs… et des anciens clients acrimonieux. Le clinquant des boîtes de Marbella ferait presque oublier que les « go‑faster » et autres passeuses risquent leur vie pour assurer à une poignée de barons un style de vie facile. Le bizness inclut nécessairement un « turn‑over » important.
Ziz, à peine dix‑sept ans et plus futé que la moyenne, réussira‑t‑il à s’extraire de son milieu et à changer de vie, ou aura‑t‑il le temps, en zonzon, de « traduire le Coran en chtimi » ? C’est ce que vous n’aurez de cesse de découvrir en lisant d’une seule traite cette chronique des bas‑fonds.
Hervé Mestron a parfaitement capté le quotidien des dealers de banlieue dans cette novella décoiffante et haletante, où humour et tragédie se disputent âprement le même coin de bitume.
Cendres de Marbella d’Hervé Mestron, novella,éditions Antidata, 7 €, 78 pages
(actualisé le )