La revue Brèves nous propose une sélection de nouvelles de douze auteurs espagnols, sous la direction d’Anne-Marie Chollet.
En apéritif, deux entretiens d’auteurs avec leur traductrice : celui de Soledad Portuelas avec Christiane Rolland Hassler et celui d’Andrès Neumann avec Anne-Marie Chollet, fort bien menés par ces « lectrices privilégiées » et dans lesquels les auteurs se livrent avec générosité à des confidences sur leurs motivations, leur vision littéraire, les ressorts de la créativité.
De savoureuses découvertes suivent cette mise en bouche : Andrès Neumann campe trois portraits aussi incongrus que désopilants d’un voyageur, d’un éboueur, et d’un suicidaire dont l’acte final est constamment détourné par un incontrôlable fou‑rire.
Avec le très ingénieux Faire plus que simplement exister, Juan Bonilla continue à nous épater en relatant une absurde course à l’exploit, dont la vacuité finit par se retourner contre l’aspirant à la gloire, fût‑elle posthume, et Oscar Pisàn achève de nous surprendre avec La face cachée des hommes, à la chute incongrue.
Dans la vingtaine de nouvelles proposées dans ce volume, ce qui frappe est la constante inventivité, l’audace créatrice, la fraîcheur du ton et l’originalité constamment renouvelée. La forme courte ne souffre ni l’à peu près, ni la tiédeur, et en matière d’élan créateur, nous avons ici une sélection de pièces de premier choix. La nouvelle, souvent considérée comme un genre mineur, prouve ici, par sa diversité et sa vigueur, qu’elle est irréductible aux classifications pré-établies, auxquelles elle échappe pour notre plus grand plaisir.
Saluons au passage la qualité de la traduction des hispanistes Anne‑Marie Chollet, Christiane Rolland Hassler, Magalie Homps, Vincent Gimeno, Marie‑Ange Brillaud, Lolita Chaput et Anita Munoz, ainsi que celle du travail éditorial.
Ce volume se clôt sur une interview des trois fondateurs de la librairie madrilène Tres rosas amarillas consacrée à la nouvelle, un genre littéraire bien vivace en Espagne, au sujet duquel ces passionnés ne tarissent pas d’éloges, citant avec enthousiasme leurs auteurs préférés et mentionnant même quelques nouvellistes français. De quoi faire rougir plus d’un de nos compatriotes !
Une belle leçon à tirer pour la chaîne du livre française ? Rêvons un peu…