RESEAU DE LA NOUVELLE et des formes courtes

Arnaud Cathrine, Pas exactement l’amour Gallimard 2015, Babelio 2017

(actualisé le ) par BN

Arnaud Cathrine n’est pas un inconnu pour nous, loin de là, puisque nous lui avons consacré notre n° 33, l’avant-dernier de la revue Nouvelle Donne dans sa version papier, toujours disponible sur commande pour les nostalgiques. Mais c’était il y a 10 ans et le monsieur n’a pas chômé depuis puisqu’il a publié une dizaine de livres, pas tous consacrés à la nouvelle, ce qui explique notre long silence à son sujet. Le voici revenu avec un recueil qui "cartonne" sur le thème de l’amour (c’est banal), ou plus exactement (c’est plus rare) de tout ce qui entoure, annonce, précède, suit l’éclosion de ce sentiment, avec quoi on le confond parfois, mais non, ce n’est pas lui, enfin pas tout à fait, ou ce n’est plus, pas encore...
Il peut sembler difficile de renouveler le thème au fil de dix nouvelles, d’en assurer l’unité dans la diversité, mais il va sans dire qu’Arnaud Cathrine, qui n’en est pas à son coup d’essai, maîtrise parfaitement le genre. Ainsi les textes peuvent être très longs et même divisés en chapitres, comme le texte éponyme (Pas exactement l’amour), ou très brefs (Silence radio). Ils peuvent avoir pour cadre le domicile conjugal devenu insupportable après avoir été le jardin des délices, ou l’asile psychiatrique où le départ de l’une a mené l’autre (Si Mylène voyait ça). Ils peuvent mettre en scène un couple "classique" (cas le plus fréquent), mais aussi un ex-couple d’homos (Une erreur de jeunesse), dont l’un est témoin du mariage en grande pompe de l’autre, lequel balaye leur passé d’un lapidaire "ça n’a pas existé", ou encore un couple de lesbiennes dont l’une n’arrive que trop tard à faire le deuil d’un amour précédent (Simona)... Toutes les pistes possibles sont explorées.
Et bien sûr, à chaque texte son style, parfois très cru dans la description de l’érotisme, parfois volontairement "neutre" et comme désincarné, au service d’un personnage qui n’a plus d’identité, parfois poétique comme dans la nouvelle Silence radio, la seule qui soit presque un poème en prose, la seule aussi qui ne soit peut-être pas tout à fait à sa place dans ce recueil puisque la protagoniste féminine est morte dans un attentat et que la détresse du survivant devant son silence aussi brutal que définitif est, nous semble-t-il, "exactement l’amour" ou du moins son corollaire. Un excellent moment de lecture, en tout cas.