Le jeu de mots du titre traduit parfaitement le contenu du livre : c’est en effet le personnage d’Ana qui sert de lien à ces 10 textes. Une façon de leur donner une certaine cohérence alors que sans lui, on serait sans doute dérouté par l’éclectisme du recueil, qui flirte aussi bien avec le quotidien qu’avec le fantastique et se balade entre les époques, des années 70 à … 2040. Ana est omniprésente, parfois au premier plan, parfois simplement en filigrane. Ana se suicide mais renaît de ses cendres. Sans aucun souci de l’ordre chronologique, Ana est tantôt une jeune femme, tantôt une enfant, tantôt une vieille dame ou même … une star de cinéma oubliée et récemment décédée que le héros de Tempo, Marc, tombé amoureux d’elle en regardant de vieilles bobines, décrit ainsi : « Une femme dans la nuit qui avance droit devant elle, à la recherche d’un tempo, sans connaître la suite de l’histoire, une femme qui traverse ses rêves et s’achemine en dansant vers une ville inconnue. »
Le ton est donné : c’est dans un univers poético/onirique que nous entraîne Françoise COHEN, un univers qui n’est pas sans rappeler parfois celui d’Olivier Châteaureynaud (on peut imaginer pire référence). Ecoutons celui-ci nous dire : « Je vis pour une large part sur un mode imaginaire, c’est pourquoi la fiction m’est naturelle. J’ai reçu ça en héritage ; je fais avec. » Françoise Cohen aussi fait très bien « avec ». Pour vraiment se régaler de son livre, il faut oublier toute rationalité et se laisser porter par le flux dans lequel elle nous entraîne à la suite de son héroïne avec beaucoup de maestria. On en oublierait presque qu’elle n’est qu’au début de sa carrière littéraire. Un auteur à suivre, certainement. D’autant que chacun des titres de ses nouvelles est en soi une réussite. On ne dira jamais assez l’importance des titres…
Ana-Chroniques de la nuit et du jour, nouvelles, Françoise COHEN, L’Harmattan, 85 pages, 12 €
(actualisé le )