« Le désastre était donc complet », c’est la dernière phrase de « Bagarre au café » et ce pourrait être la conclusion de chacune des 15 nouvelles qui composent Ticket pour l’éternité. « Un désastre sans réplique est garanti à la lecture de chacun de ces récits », nous dit d’ailleurs la 4e de couverture. On pourrait s’en tenir là et ne recommander ce livre qu’aux « lecteurs aguerris » qui ont le cœur – et le moral – bien accrochés. Les situations sont glauques, les personnages déglingués, et chacun prend son « ticket pour l’éternité » dans des conditions où le minable le dispute à l’ignoble, le sordide à l’immonde, et dont l’auteur ne nous épargne aucun détail, avec un luxe de précisions que l’on pourrait parfois juger complaisantes.
Mais s’en tenir là serait faire fi des qualités que recèle ce livre et dont la conjonction est rare. La première est certainement l’art de la narration où se concentre tout le talent du nouvelliste, économe de mots mais foudroyant d’efficacité dans le récit et dans sa chute. Rendons hommage aussi au style, affûté à l’extrême, d’une richesse et d’une force peu communes, et enfin à la virtuosité dont fait preuve Pierre-Yves Pépin pour balader le lecteur d’un bout à l’autre de la planète, toujours avec la même puissance évocatrice et la même crédibilité. De l’Océan Indien à Hong-Kong, de la jungle congolaise au désert saharien, de Suez à la taïga québecquoise… on s’y croirait – et on préfère ne pas y être, vu ce qui s’y passe, du moins dans les bas-fonds où grouillent les damnés de la terre.
Ainsi averti, le lecteur pourra décider en toute connaissance de cause s’il souhaite ou non accompagner l’auteur sur les chemins tortueux qui mènent ses antihéros inéluctablement à leur perte.
Ticket pour l’éternité, Pierre-Yves Pépin, éditions Triptyque, 100 pages.