Les meilleures nouvelles de Katherine Mansfield De nouvelles traductions et un inédit, Rue Saint Ambroise, 285 pages, 14,90 €.

par Nathalie Barrié

Les éditions Rue Saint Ambroise retraduisent des nouvellistes classiques, rappelant ainsi que de grands noms de la littérature n’ont pas écrit que des romans, mais aussi de nombreuses nouvelles, parfois par centaines. C’est notamment le cas de Virginia Woolf, à laquelle est réservée, depuis novembre 2019, la place d’honneur de l’ouverture de cette série de retraductions inédites. Elle est suivie de près par Katherine Mansfield, nouvelliste « au talent étincelant », comme le souligne l’article de Nathalie Crom dans Télérama (décembre 2019), critique enthousiaste de cette nouvelle traduction de la Néo-zélandaise, dont la sortie a donné lieu à une réception et à une lecture à l’ambassade de Nouvelle-Zélande à Paris, en présence de son Excellence Mrs. Jane Coombs, qui s’est publiquement réjouie de cette initiative. La publication a également fait l’objet d’un bel article de Mathieu Lindon dans Libération. Huit spécialistes se sont partagé la traduction de dix-huit nouvelles de Mansfield, dont un inédit, Le vieux Tar. Il s’agit de Daniel Argelès, Luc Arnault, Pascal Bataillard, Vanessa Kientz, Elisabeth Lamy-Vialle, Jean-Marcel Morlat, Laurence Petit et Julie Vatain Cofdir (coordinatrice Nathalie Barrié).
Autant de nouvelles, autant de bijoux : Les filles du défunt colonel, À la baie, La Garden Party, Miss Brill, M. et Mme Colombe, La mouche, La journée de Reginald Peacock, La maison de poupée, Le canari, Félicité, pour ne citer que quelques-unes de ces perles fines…
Le Journal d’un homme marié qui ouvre le recueil est une preuve, mais en était‑il besoin, que sous le vernis d’une société bourgeoise impeccablement campée, le talent de Katherine Mansfield débusque l’insolite et touche à des sujets graves. L’âme de ses personnages transparaît à travers des détails qui n’ont d’anodin que l’apparence. L’art de la nuance et du sous-entendu guide cette plume cruelle de lucidité, d’un réalisme précis dans le détail, et l’environnement prend une dimension symbolique pour évoquer les êtres, sans qu’il soit besoin de les nommer expressément. Au fil d’une alternance de dialogues convenus et de confidences intimes, les personnages sont dotés du souffle éternel de la vie, et la société néo-zélandaise des années 1920-1930, ressuscitée par ces lignes, touche à l’universel. Katherine Mansfield a pleinement embrassé le précieux héritage tchekhovien, au point que Virginia Woolf écrivit dans son journal que le travail de Mansfield était « le seul dont elle eût jamais été jalouse ». Faisons ici nôtre la conclusion de Marcel Arland, qui loua la « fluidité musicale » de l’œuvre de Mansfield, et la décrivit comme « la grâce même ».