Le recueil de Bernard Giraudeau n’est pas un caprice de star qui ne devrait son édition qu’à la célébrité de son auteur. Il s’agit bien d’une œuvre littéraire à part entière, riche et authentique : une bonne surprise pour le lecteur méfiant ou dubitatif. C’est le livre d’un ancien marin né à La Rochelle, avide de dire sa passion pour la mer.
Ces cinq nouvelles ne sont pourtant ni des récits d’aventure ni des carnets de voyage. Pour les marins de Giraudeau, prendre la mer c’est fuir la terre. Ils rejoignent une existence rêvée qui, une foi les amarres larguées, se confond avec la réalité.
Promesse d’amour et de liberté, la mer n’offre que pour mieux confisquer. Elle donne aux hommes la mesure de l’éphémère tout en les faisant rêver d’éternité. L’amour d’une toute jeune fille pour le marin de sa mère (Une Histoire simple) s’évanouit avec les voyages et les histoires, laissant derrière lui le goût amer de ce que l’on caresse sans pouvoir l’étreindre.
Les marins reviennent toujours au port. Puis ils y restent enlisés à jamais dans les regrets et les rêves échoués. La mer emporte puis ramène à terre, fait rêver puis enferme dans une inéluctable et indépassable réalité.
Si Giraudeau fait naître l’émotion, c’est que sa mer est l’image de nos rêves et de nos espoirs. Prisonniers du ressac qui fait succéder les désillusions les plus cruelles aux rêves les plus fous, nous sommes tous un peu des marins à terre, des hommes perdus.
(Bernard Giraudeau, Les Hommes à terre, Éditions Métailié)
Sophie Louge