C’est important le Nord ?
Le Nord, c’est un roman noir, un paysage, un lieu de traversée. C’est un pays de strates, archéologisées sans arrêt, un lien toujours reconstruit, toujours à reconstruire. Le nord, c’est comme la Troie de Schlieman, qui croyait avoir trouvé « Le » lieu de « La » guerre de Troie, alors qu’il y en a au moins cinq. Le Nord, c’est un lieu authentique qui suscite le mythe et qui mérite son Iliade.
Ce qui l’oppose au Sud, je suppose ?
Le Sud m’apparaît davantage comme séduction, extériorité, paillettes. C’est le Lido ; plus exactement, les loges du Lido, ça pue la transpiration et les costumes sont tachés de rimmel. Le Sud, on aurait envie de rester après la représentation pour voir son vrai visage.
Métaphore très théâtrale. Vous êtes professeur de théâtre. Est-ce que cela joue un rôle dans votre écriture ?
Oui, cela suscite en moi un travail de situation, un travail que je dirais pompeusement brechtien où c’est le trajet qui compte, pas forcément le dénouement. Paradoxalement, cette mise au préalable de la mise en scène me permet d’éviter les dialogues. J’ai, avant d’écrire, en écrivant, la description de la situation du dialogue, de la mise en situation. Cela m’évite aussi, littérairement, les horribles « il dit, elle fait, il répond » que l’on trouve dans la narration habituelle.
La nouvelle doit vous plaire, alors...
À lire, mais elle ne me convient pas à écrire. Mon vrai rythme d’écriture est le « microroman », comme Effroyables jardins, ou Aimer à peine... En fait, avec cette forme, j’atteins ce que je définirais comme un roman de plage non développé. Je veux dire que c’est un processus d’invention autant que d’écriture. Le roman pourrait faire des centaines de pages dans sa logique, mais je le rédige sec, j’en évite la graisse, les digressions. Ce non-développement permet d’atteindre l’essentiel, de rester dans l’authenticité, d’éviter aussi de se répandre. Je garde la structure mais je rédige en concision, cela devient, du moins je le souhaite, un coup de poing efficace.