Abdelkader Djemaï : Vous pratiquez, je crois, la natation en compétition ? Quelle est, selon vous, la métaphore sportive qui définit le mieux l’art de la nouvelle ?
Roland Fuentès : On peut penser au demi-fond, effort moins intense, moins explosif que pour des genres tels que le haïku ou l’aphorisme, mais ce n’est pas encore une longue distance comme le roman.
A.D. : Quelle différence faites-vous entre une longue nouvelle et un roman court ?
R.F. : Pour moi, plus que des longues nouvelles ou des romans courts, il y a des textes, sur lesquels on pose une étiquette. Si on est courageux, ou inconscient, on peut choisir « nouvelle » ; si on veut que le texte se vende, on écrira plutôt « roman » ou « récit » sur la couverture.
A.D. : Quelles sont pour vous les qualités d’un roman ?
R.F. : Lorsque j’éprouve du plaisir à demeurer longtemps en compagnie des personnages, de l’univers ou de l’ambiance d’un roman, c’est qu’il est réussi. Mais il faut que cette longueur soit justifiée, d’une manière ou d’une autre.
A.D. : Et celles d’une nouvelle ?
R.F. : Le souffle. La proximité. Pour moi, le sacro-saint schéma du genre accroche/exposition rapide de la situation/accélération/fin en point d’orgue, ne fait pas autorité. Ce n’est qu’une manière parmi tant d’autres d’écrire une nouvelle. Certains sujets s’y prêtent, d’autres non. Ce qui m’intéresse dans une nouvelle, c’est cette urgence à dire quelque chose, en 2 pages ou en 80, sur le ton qui convient le mieux au propos, mais dans une intention qui est peut-être différente de celle du roman. Comme si le narrateur nous parlait juste en face, ou carrément dans l’oreille, sans nous laisser la possibilité de faire une pause, donc de prendre du recul, avant de l’avoir écouté jusqu’au bout.