Pourquoi vous-êtes vous lancée dans cette aventure ?

2 | par Christian Congiu

Pourquoi ?


Pour répondre, j’ai cherché mes mots. Ne sont venus que ceux que je n’attendais pas. Et ça fait un bail de ça ! Car inlassablement, au 25e coup de chaque nuit, je me hasardais à sauver des mots imaginaires que je collectionnais soigneusement. Je me suis contentée par la suite de les sauvegarder dans une mémoire morte. Je ne savais qu’en faire : m’en servir ? Contre qui ? Les offrir ? Comment ? Ces images aussi précieuses qu’un joyau dormaient dans un coffre dont j’ai proposé la clef à un homme qui n’a pas su s’en servir. Ce n’était pas un homme, ce n’était qu’une erreur. Je n’évoquerai le second que pendant les 180 pages d’un roman personnel qui n’a pas réussi à me le faire oublier. Quant au troisième, il s’est emparé de la clef, mais c’est moi qui ai hésité. Je subodore qu’un jour, un quatrième connaîtra le mode d’emploi. Je chercherais bien le cinquième aux antipodes du sixième, mais je pense que ces bonshommes-là seront déjà dans les bras d’une autre.


De guerre lasse, j’ai jeté la clef dans la Grande Bleue, près d’une plage, non loin d’un rocher à tête de lion. Et le temps passa, lourd et tenace.

C’est ainsi que, après la galère et presque le trottoir, j’ai jeté le coffre contre le mur, un soir de juin 2004, alors que Musset, ce coquin (qui me servira d’alibi) demandait à Rosette, sur une bande FM plutôt portée sur la poésie : « Sais tu ce que c’est que l’amour ? » Tendez bien l’oreille :
« Sais-tu ce que c’est que l’amour, Rosette ? Écoute ! Le vent se tait : la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t’aime ! Tu veux bien de moi, n’est ce pas ? On n’a pas flétri ta jeunesse ? On n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. Ô Rosette, Rosette ! Sais tu ce qu’est c’est que l’amour ? »

Ô Musset qui écrivait encore :
Le bonheur est une perle si rare dans cet océan d’ici bas,

J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé.

Un corps de lumière a explosé devant mes yeux ébahis. C’est pourquoi à défaut d’un amour de chair, j’ai décidé à l’instant de donner ce joyau à l’amour ou, mieux, à une belle cause qui exprimerait l’amour. Je n’aurai pas assez de vingt-quatre heures pour absorber les réponses que j’ai déjà reçues, toutes forgées au sceau de l’amour. Mes journées ont quadruplé de volume-temps. L’amour dilate le temps, l’arrête, le multiplie, le rallonge. L’amour et le temps, mes deux raisons de vivre et d’écrire. Les mots d’amour me font voyager gratuitement, me font rêver, et mes rêves sont de plus en plus grands. Certes, ils m’en font voir de toutes les couleurs, ces mots-là, mais c’est le prix à payer pour qu’ils daignent m’apprécier. Ils m’ont maintenant apprivoisée bien que je sois encore fâchée avec les virgules et les points de suspension.

Voilà pourquoi.

Quant à comment, où et quand, je vous le dirai une autre fois. Mais, c’est grâce au temps précieusement sauvegardé, que ce livre naîtra !

Les écrivains, qui sont des bêtes étranges, ne sont au fond que des humains : c’est pourquoi j’ai demandé aux autres cœurs moins nantis de talents d’écriture, de m’aider à réponde à Musset. Car depuis, Rosette est morte, l’espace d’un matin, et Stéphanie Fugain a plus de mérite que moi.

Zorica Sentic 19 juillet 2004